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Cap Renaissance
1 janvier 2015

Écrire sur soi à la Renaissance

 

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     Tout d'abord, il faut savoir qu'écrire sur soi n'a pas toujours été aussi courant que de nos jours, et n'a pas toujours été. Aujourd'hui il est chose très fréquente que de s'écrire soi-même impudemment, comme en témoigne l'importante place qu'ont les réseaux sociaux dans notre société. On s'écrit dorénavant sans se cacher derrière la fiction, ou l'anonymat : c'est un acte parfaitement assumé et c'est une habitude, en somme, que les écrivains ont pris depuis un moment.

     On pourrait rétorquer : « Mais l'écriture de soi n'est-elle pas inhérente à l'écriture, qu''importe le nom qu'on lui donne ? » Et, comme dirait Amélie Nothomb : « Un roman est toujours autobiographique, même quand il ne l'est pas. » Mais nous parlerons ici de la pure écriture de soi-même, c'est-à-dire celle qui ne se cache pas derrière un roman par exemple, en clair derrière de la fiction, mais qui dévoile son auteur sans tenter d'arranger le réel. Elle peut prendre plusieurs formes : poème ou bien essai, en passant par le journal ; du moment qu'on l'affuble de l'adjectif « autobiographique » (du grec auto, soi, bio, vie, et graphein, écrire), ce sont des mots sur soi écrits par soi.
     Ainsi en produisant sans affabuler son récit, l'on montre ainsi qu'en soi-même reposent assez de ressources, de vie, pour la mettre en mots et qu'il est un peu simple de penser que « l'imagination serait le vêtement unique de l'écrivain » (Mathieu Simonet dans Le Magazine Littéraire n°530). De même il faudrait aussi se débarrasser de l'association j'écris-ma-vie-même-si-elle-n'est-pas-extraordinaire avec l'écriture de l'ennui, de l'inutilité profonde. Car, même si Proust ne nous intéresse pas du point de vue contextuel, il n'en reste pas moins un brillant exemple de ce que l'autobiographie a fait naître de mieux : n'est-il pas considéré comme l'un des plus grands écrivains du XXème siècle, lui qui nous raconte pourtant ses goûters madeleines/thé avec sa grande-tante Léonie ? De petits rien du quotidien on peut faire une œuvre littéraire. Il s'agit cependant d'être pertinent, alors comment leur trouver de l'intérêt ? C'est alors par l'introspection que passent les écrivains pour trouver en eux-mêmes ce qui les caractérise, et caractérise aussi le genre humain. Ainsi, un des pionniers de cette démarche s'appelle Michel Eyquem de Montaigne, humaniste de la Renaissance.
     L'humanisme, dont le credo fut en quelque sorte de « découvrir et former l'Homme », a mis ce dernier au centre de toutes les études. L'on s'est beaucoup penché sur son cas en effet, en tentant de mieux le connaître, pour le rendre meilleur. En gros ce fut un peu le centre du monde, l'Homme, pendant cette période. Mais ce n'était pas de l'égocentrisme dans le sens narcissique du terme, non ! En fait, les humanistes remettaient en cause la conception du monde telle qu'elle était à l'époque médiévale. Et ils avaient trouvé une manière particulière de le faire, par exemple en accordant une place prépondérante à l'éducation (de l'Homme) et du pouvoir (de l'Homme toujours). Ce qui les a conduits à réaliser que, le fond du problème, c'était l'Homme, et qu'on ne pouvait pas avoir un monde meilleur sans qu'il s'améliore lui aussi. « Et comment peut-il faire pour être plus confiant en lui-même, plus vertueux, plus utile, plus agréable à la société ? » se sont demandés les humanistes derrière leurs moustaches. Eh bien en apprenant à se connaître. Drôle d'idée !
     Dans tous les arts, dans toutes les disciplines, les humanistes se sont mis en action pour découvrir l'Homme, allant parfois jusqu'à étudier le « moi ». Ainsi en témoignent les autoportraits de Dürer, de De Vinci, de Raphaël. Côté Littérature, Montaigne est considéré comme le grand-père de l'autobiographie, lui qui s'est retiré pendant des années, seul, chez lui, dans sa tour, pour écrire ce qu'on appelle communément un pavé, où, en contemplant ça propre personne, il s'est « peint lui-même », n'apportant rien au lecteur - sauf peut-être à celui qui regarderait non pas ses Essais comme la représentation d'un seul homme, mais comme quelque chose qui touche à l'humanité toute entière. Cette démarche avait donc pour but de nourrir la réflexion humaniste. D'autres aussi s'y sont adonnés, tels que Gilles Picot de Gouberville dans son Journal, Pierre de l'Estoile dans ses Mémoires-Journaux, la Vie de Thomas Platter le Vieux, et les récits de son fils Thomas Platter le Jeune, les Mémoires de Louis de Condé, de François de Lorraine, de Marguerite de Valois, de Bartholomaeus Sastrow. Certaines autobiographies ont aussi pu prendre le nom de Commentaires, comme ceux de Rabutin et de Blaise de Monluc.
     Cette façon de s'écrire a ainsi inspiré de grands philosophes de l'Époque Moderne, je pense à Descartes et Pascal, mais aussi d'autres écrivains comme Proust (comme quoi ce n'est pas anodin si j'en ai parlé au début), et même Shakespeare le dramaturge. Au fil du temps, l'écriture de soi s'est faite une vraie place dans le monde littéraire, allant même jusqu'à devenir présente dans d'autres moyens de publication que celui de l'édition : Twitter, Facebook... Pour ce qui est de raconter nos petits tracas quotidiens, c'est chose faite ; mais dans le fond, si l'on nous demande : « Pourquoi débales-tu ta vie comme ça sur les réseaux sociaux ? », nous pouvons répondre simplement : « C'est de l'humanisme, voyons. »

 

L'humanisme

 

 

Avez-vous bien lu ?

 

 

 Quelle est l'étymologie du mot « autobiographie » ?

 Qui a écrit les Essais, publiés en 1580 ?

 Quel courant culturel de la Renaissance a accordé une importante place à l'Homme ?

 Citez un peintre célèbre humaniste.

 Selon vous, un récit rédigé à la première personne est-il forcément autobiographique ?

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